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Confiance en soi

Schadenfreude : pourquoi sommes-nous heureux du malheur des autres ?

Joie, surprise, peur, colère, tristesse, dégoût… Au-delà de ces 6 émotions primaires que tout le monde connaît bien, la palette d’émotions humaines est extrêmement riche ! Nombre d’entre elles traduisent un ressenti bien précis et spécifique, mais restent encore peu connues aux yeux du grand public.
C’est le cas de la schadenfreude, cette sensation de joie ressentie face au malheur des autres. Difficile à admettre en société, cet état émotionnel est pourtant assez commun. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Découvrez les mécanismes de la joie malveillante dans cet article !

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Rédaction par Margaux

Rédactrice web

7 min

Publié le July 7, 2023

schadenfreud : se réjouir du malheur des autres

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À quel point avez-vous confiance en vos capacités, au quotidien ?

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Schadenfreude : de quoi parle-t-on ?

La schadenfreude est un état émotionnel traduit par une expression empruntée à la langue allemande, signifiant : la joie malsaine provoquée par le malheur d’autrui. Étymologiquement, ce terme est composé de “schaden” qui signifie “dommage” (à traduire dans le sens du dégât, malheur) et de “freude” qui signifie la “joie”.
État différent du sadisme (qui implique d’être heureux d’infliger une douleur à l’autre), la source de réjouissance se trouve dans la vision du malheur d’autrui, sans pour autant l’avoir provoqué : l’individu se trouve dans une position d’observateur.
Cette émotion est naturellement rejetée puisqu’elle est considérée comme immorale. La plupart des personnes cachent ou refoulent ce ressenti, pour se conformer à la norme, qui se veut bienveillante et empathique. Pourtant, tout le monde est susceptible de ressentir cette émotion, elle est humaine et extrêmement liée à l’estime et à la confiance en soi !
On observe d’ailleurs une explication biologique à cette émotion : la vision du malheur d’autrui active le striatum central. Cette zone du cerveau libère de la dopamine, signal de gratification, lorsqu’elle est activée. Ceci explique, en partie, la viralité de certaines vidéos sur internet, ainsi que le succès des télé-réalités qui infligent souvent de l’humiliation publique à ses participants.

Le saviez-vous ?

On retrouve des prémisses de la schadenfreude dans l’Antiquité ! À l’époque, Aristote parlait déjà d’Epichairekakia (qui signifiait “joie née du mal”). Ensuite, ce concept a été exploré par de nombreux penseurs comme Spinoza, Nietzsche et Freud.

Pourquoi se réjouir du malheur des autres ?

La schadenfreude est un concept que l’on retrouve beaucoup dans la littérature anglaise. En France, c’est Voltaire qui en parlait dans une de ses œuvres les plus connues, Candide (1759) : “Le malheur des uns fait le bonheur des autres”. Dans la vie réelle, le constat est le même : qui n’a jamais jubilé intérieurement face aux tracas d’autrui ?
Ce sentiment est ressenti différemment selon les individus, mais il reste invariablement lié à l’estime que l’on se porte : certains individus trouvent en cette jubilation une consolation, tandis que d’autres en ont besoin pour rester motivés au quotidien. Dans une société qui tend à être de plus en plus concurrentielle, voir l’autre échouer signifie souvent avoir accès à plus d’opportunités.
Cette joie malveillante peut être ressentie dans différents contextes :

  1. Nourrir un esprit compétitif
  2. Se comparer socialement
  3. Mieux vivre ses échecs
  4. Se conformer à un groupe

Nourrir un esprit compétitif

La schadenfreude peut alimenter un esprit de compétition en renforçant l’idée que la victoire et la réussite sont d’autant plus gratifiantes lorsque les adversaires sont moins performants et échouent. Une victoire alimente, consciemment ou non, un sentiment de vengeance, de réussite et de supériorité.
Cet esprit sportif est à différencier de la quête du pouvoir malveillante que l’on peut observer chez un individu atteint du syndrome d’hubris, ou un pervers narcissique. Ici, l’échec de l’autre n’est pas un pas de plus vers l’obtention du plein-pouvoir, mais plutôt une source de motivation qui confirme que les efforts que l’on fournit portent leurs fruits - en dépit de l’autre.
Les compétitions sportives sont une illustration idéale de la schadenfreude : lors d’un tournoi de basketball, les joueurs victorieux, comme leurs supporters, se réjouissent pleinement de la défaite des adversaires. Ce sentiment éphémère n’est pas malsain ni malveillant, mais nourrit la motivation et renforce l’esprit d’équipe sur le moment.

Se comparer socialement

Lorsque l’on parle de joie malveillante ou de plaisir malin à la vue des échecs d’autrui, on est directement plongé dans un contexte social. La comparaison sociale, concept théorisé en 1954 par Léon Festinger (psychologue américain), est le moyen par lequel chaque individu évalue ses propres compétences, réussites, possessions matérielles, etc. en les comparant à celles des autres.
Il existe trois types de comparaison sociale :

  • La comparaison ascendante : ici, on va se comparer à des personnes considérées comme supérieures à soi dans le but d’avoir un modèle de réussite pour se motiver. Mais malgré le regain de motivation, c’est une comparaison qui peut mener à une dévalorisation de l’amour de soi à long terme.

  • La comparaison descendante : dans ce cas, on va plutôt se concentrer sur des personnes que l’on juge inférieures à soi, qui ont échoué et / ou qui sont considérées comme moins performantes. Ce sentiment de supériorité renforce la confiance en soi, mais peut mener à un schéma cognitif négatif à terme.

  • La comparaison latérale : plus objectif, ce type de comparaison est effectué envers des personnes semblables à soi. Elle permet d’évaluer sa propre position par rapport aux autres.


C’est de la comparaison descendante dont il s’agit quand on évoque la schadenfreude. Quand un autre échoue, il perd instantanément son statut à nos yeux. Sa place dans la hiérarchie décroit : il devient subjectivement, et pour l’espace de quelques moments, inférieur.
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Mieux vivre ses échecs

La joie malveillante permet à certaines personnes de se libérer de l’anxiété et de sortir de la culpabilité liée à l’échec. Voir une personne échouer, là où nous n’avons pas réussi, montre que nous ne sommes pas seuls à éprouver des difficultés.
Cette attitude est déclenchée par le cerveau en tant que mécanisme de défense contre les émotions liées à l’échec : humiliation, tristesse, rejet, honte, etc. Ressentir de la satisfaction et du plaisir quand un autre échoue nous distrait de nos propres émotions négatives et nous conforte dans notre situation.
On éprouve d’ailleurs davantage cette émotion en face d’une personne avec laquelle on se sent en conflit, ou que l’on considère meilleure que nous. Ici, l’envie et la jalousie mesquine entrent en jeu : on se réjouit des échecs d’une personne que l’on considère comme rivale, et cela nuit aux relations que l’on entretient avec elle.
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Se conformer à un groupe

Les normes sociales influencent la manière dont les personnes perçoivent et réagissent à certains comportements, paroles, et émotions. Le fait de partager ce sentiment négatif avec d’autres personnes aide à renforcer le sentiment d’appartenance à un groupe, et entretient sa cohésion.
Souvent, la schadenfreude est révélée au grand jour lorsqu’elle touche un groupe : on se sent plus légitime de penser du mal d’autrui lorsqu’on on est plusieurs. Peu importe le motif ou la justification de l’échec, de l’acte manqué ou de la sous-performance d’une personne, tout le monde s'accorde à dire que cette action est source de plaisir pour ceux qui l’observent.
Cette émotion, qui paraissait jusqu’alors illégitime et honteuse par son immoralité, est validée (et même appuyée) par les autres, qui la partagent eux aussi.

Le saviez-vous ?

Connaissez-vous la mudita ?
La mudita (mot d’origine pali) désigne la joie empathique, en réponse au succès des autres. Cette attitude est inscrite dans la philosophie bouddhiste comme une pratique méditative, dans le but d’atteindre une source de joie infinie. Ce concept est souvent défini comme le contraire de la Schadenfreude.

Quels sont les impacts sur la santé mentale de la joie malveillante ?

La satisfaction du malheur d’autrui peut devenir un leitmotiv très puissant, surtout lorsqu’elle touche tout un groupe de personnes. Il est cependant important de faire attention aux intentions derrière cette émotion.
La schadenfreude est un sentiment que vous pouvez ressentir ponctuellement. Par exemple, quand un supérieur qui impose une pression morale au travail échoue sur une de ses missions, ou lorsqu’un ex-partenaire ou mari violent, devient la cible d’enquêtes policières, il est tout à fait normal d’éprouver une certaine satisfaction !
Cependant, certaines personnes peinent à s’imposer des limites en ce qui concerne la joie malveillante. Elle devient le moteur de violences verbales et physiques, commence à porter préjudice aux autres et fait émerger des rivalités : quand c’est le cas, il devient difficile de revenir en arrière, à moins de restructurer ses propres schémas cognitifs !
En effet, lorsque l’on éprouve cette émotion régulièrement, toutes les sphères de la vie en sont impactées :
La relation avec soi : la comparaison sociale touche à l’estime de soi. La schadenfreude tend à diminuer l’estime que l’on se porte à force de comparaisons de ce type. On a alors tendance à se dévaloriser et à s’isoler, jusqu’à parfois éprouver de l’anxiété sociale.
La relation avec les autres : le jugement constant empêche l’expression de l’empathie et de la bienveillance. Avec ça, il devient difficile de connecter et d’entretenir des relations satisfaisantes avec ses proches.
L’environnement professionnel : il est facile de basculer dans une atmosphère de rivalité et de compétition malsaine lorsque l’on est poussé par la jalousie mesquine.
Finalement, il est important d’apprivoiser ce sentiment, puisqu’il est humain ! Apprendre à gérer ses émotions et à maîtriser ses agissements est la clé pour ne pas laisser la délectation de la souffrance d’autrui devenir du mépris, et ainsi agir en tant que personne toxique pour les autres, (mais aussi pour soi-même) !

A retenir

La schadenfreude est un état émotionnel expliqué par une joie malsaine à la vue du malheur d’autrui : se réjouir de l’échec d’un collègue, être satisfait de l’humiliation d’une personne arrogante, éprouver de la satisfaction lorsqu’une personne que l’on considérait comme meilleure tombe de son piédestal, etc.
Liée à des schémas de pensées profondément ancrés, cette émotion peut être difficile à maîtriser lorsqu’elle colonise les schémas de pensée. Cependant, il est possible de mettre en place une routine pour ne plus la subir négativement :

  • Prendre conscience des schémas de pensées qui provoquent cette émotion (notamment à l’aide d’une thérapie cognitivo-comportementale)
  • Se donner l’occasion d’être plus empathique avec son entourage
  • Développer son estime de soi
  • Éviter la comparaison excessive (notamment à travers les médias sociaux)


Rappelons que la schadenfreude est une émotion naturelle, il est donc important de ne pas se sentir coupable quant à cet état qui fait partie de la nature humaine !

Sources

Emily Anthes, “Le malheur des uns fait le bonheur des autre”, Cerveau & Psycho, 2011
Hidehiko Takahashi, “Neural Correlates of Envy and Schadenfreude”, Science, 2009

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